Trahisons et Faux-Semblants de Ludovic Rosmorduc

Résumé : «Je me nomme Aurèle d’Angarande, je suis magicien. Autrefois, ce seul titre suffisait à entrouvrir bien des portes, à faire se courber bien des puissants. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, plus personne ne peut s’enorgueillir d’être magicien. Moi excepté. Je suis le dernier d’entre eux».

Dans un monde où religieux et chevaliers se livrent une lutte sans merci pour le pouvoir, Aurèle d’Angarande s’est exilé d’Anoth au moment où sa guilde en a été bannie. Ce qui ne l’empêche pas d’ouvrir l’œil sur la cité et sur ses habitants. Quand, un matin, c’est un cadavre crispé et bleui par le froid qui s’offre à sa vue, il décide de rompre le serment qu’il s’était fait et de franchir une nouvelle fois les murs de la cité fortifiée. Quitte à mettre les pieds en enfer.

Avis : Ayant beaucoup aimé L’Héritière du temps, c’est avec une grande impatience que j’attendais Trahisons et Faux-Semblants, le 3e roman de Ludovic Rosmorduc ! Eh bien je dois dire que je n’ai pas du tout été déçue.

Aurèle d’Angarande est un magicien, le dernier d’entre eux. Il s’est exilé de la cité d’Anoth suite au bannissement de sa guilde. Il vit donc loin de toute civilisation, au château de Fontgrande, avec pour seule compagnie celle de son fidèle serviteur, Alboin. N’ayant pas grand-chose à faire de ses journées, le vieil homme a entrepris de consigner tous les travaux de ses prédécesseurs afin d’en assurer la sauvegarde et la conservation pour la postérité, tout cela dans le but d’éviter que la pratique de la magie ne tombe complètement dans l’oubli. Pour chasser son ennui, Aurèle passe aussi une bonne partie de son temps à observer depuis le château, à l’aide d’une longue vue, les habitants d’Anoth. Lorsqu’un beau matin le corps d’une jeune fille est retrouvé sans vie dans la cité fortifiée, Aurèle décide de se rendre sur place, rompant ainsi le serment qu’il s’était fait de ne jamais retourner à Anoth.

Dans ce troisième roman, l’auteur nous plonge au cœur d’une enquête policière sur fond de Fantasy médiévale et le moins qu’on puisse dire est que le résultat est très réussi.Le héros, Aurèle d’Angarande est un vieil homme nostalgique de l’ancien temps. C’est un magicien en exil qui souhaite plus que tout redorer l’image de la magie, pratique oubliée et injustement proscrite par le Pape depuis plusieurs années. En effet, autrefois, le monde reposait sur trois piliers fondamentaux, appelés « Piliers de la connaissance » : la religion, la chevalerie et la magie. Mais par la suite, chevaliers et religieux se sont ligués contre les magiciens, les chassant ainsi d’Anoth. Désormais, Eglise et Chevalerie se partagent le pouvoir à Anoth mais l’entente est loin d’être cordiale. Les relations entre les deux camps sont tendues. Gui de Longroi, le chef des chevaliers et le Cardinal Thored, le chef des ecclésiastiques sont tous deux assoiffés de pouvoir. Chacun ne pense qu’à écraser l’autre pour devenir l’unique chef de la cité. Lorsque survient ce tragique fait divers, Aurèle y voit là un moyen de changer les choses, une possibilité de faire renaître la magie de ses cendres en apportant sa propre contribution à l’enquête mais de façon discrète. Il décide donc de résoudre lui-même l’énigme.

Ce roman est plus sombre que les précédents. Je ne m’attendais pas du tout à ça ! Le cardinal Thored, Gui de Longroi, Guildebert, le frère Berthaume, Méliel ou encore Sœur Blanche…, tous ces personnages possèdent une part d’ombre en eux-mêmes, ils sont loin d’être parfaits, ce qui leur donne un côté très humain. J’aurais voulu en savoir davantage sur chacun d’entre eux et sur ce qui les a rendus ainsi. Le vieux magicien quant à lui, a du mal s’adapter face à tout cela, il est naïf, il commet lui aussi des erreurs, on le voit avancer puis piétiner dans son enquête mais qu’importe, on ne peut que s’attacher à ce vieil homme qui a du mal à survivre dans un monde auquel il n’appartient plus et qui assiste impuissant à la fin d’une époque. Car en effet l’histoire se déroule bien dans une période charnière qui marque la fin d’une ère et le début d’une autre. Le magicien ne se reconnait plus dans ce nouveau monde où tout n’est que « trahisons et faux-semblants », oui le titre parle de lui-même.

Pour ce qui est de l’enquête policière proprement dite, elle est bien ficelée, il y a beaucoup de suspense, les meurtres se multiplient, la tension est palpable tout au long du récit. Tout comme Aurèle le lecteur est emporté par l’affaire.

Le style est toujours aussi fluide, les descriptions parfaites. L’histoire est narrée du point de vue d’Aurèle, à la première personne mais aussi du point de vue des autres personnages, à la troisième personne. Une fois encore j’ai été emportée par la plume de Ludovic Rosmorduc qui est fine et précise. J’ai beaucoup aimé l’univers mis en place par l’auteur, les descriptions des différents lieux de la cité d’Anoth, la vie quotidienne des anothiens etc. Aucun détail n’a été mis de côté. L’auteur nous décrit également les pratiques employées par L’Eglise à l’encontre des hérétiques, thème déjà abordé dans L’Héritière du temps mais toujours aussi intéressant.

Au final j’ai beaucoup aimé ce roman ainsi que les idées qu’il dégage. J’aurais même voulu qu’il soit plus long, plus étoffé car on arrive vite au bout de ces 286 pages et on en redemande ! Quoi qu’il en soit, c’est un livre très captivant et que je recommande fortement à tous ! Ludovic Rosmorduc est un auteur de talent qu’il faut absolument suivre de près !


L’Héritière Du Temps de Ludovic Rosmorduc

Résumé : Une grossesse qui tourne mal conjuguée à l’arrivée tonitruante d’une émissaire du Diable à Sétiladom : il n’en faut pas plus pour convaincre la Sainte Inquisition d’intervenir. Et si le Grand Inquisiteur est convaincu du bien-fondé de sa cause, il est également mû par d’autres motivations plus sombres. Héritiers de l’histoire de la Cité Ocre, mais surtout de la sagesse d’Ambroise de Liemmos, l’alchimiste Yorel, le guerrier Dungal et leur protégée de toujours, Sixéla, vont tout mettre en œuvre pour découvrir ce qui se cache derrière ces manifestations démoniaques.

Avis : Je n’avais encore jamais lu de roman classé « fantasy jeunesse ». C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je me suis penchée dans la lecture de ce livre, et je dois avouer que je n’ai pas été déçue, bien au contraire.

Le roman se divise en trois grandes parties (ou plutôt, trois grands chapitres), toutes aussi captivantes les unes que les autres. L’histoire débute à Sétiladom, la Cité Ocre. A Sétiladom comme partout ailleurs, c’est l’Eglise qui décide de tout, c’est elle qui rend la justice, notamment par le biais d’une institution appelée la Sainte Inquisition. C’est dans ce contexte que Yorel d’Orval, alchimiste, se rend au chevet de Sixéla. Cette dernière l’a fait appeler afin qu’il l’aide à mettre au monde son enfant car l’accouchement s’annonce extrêmement difficile. Dans le même temps, les festivités du solstice d’été battent leur plein dans la Cité et Dungal, un géant guerrier aux cheveux roux, fait la connaissance d’une belle marchande étrangère qui lui révèle l’arrivée du Diable. Paniqué, Dungal amène la belle colporteuse à la Cathédrale, auprès du père Belarius, sans se douter une seconde des conséquences graves qui en résulteront tant pour lui que pour la jeune femme…

J’ai beaucoup aimé l’univers moyenâgeux crée par l’auteur, où le pouvoir spirituel est omniprésent. D’ailleurs, les pratiques qu’utilise le Grand Inquisiteur, Monseigneur de Whitlock, sont les mêmes que celles qui ont été employées par l’Inquisition au Moyen-âge. Il y recoure fréquemment à la Question (= méthode de torture utilisée afin d’obtenir des aveux, considérés comme la reine des preuves). De plus, tous ceux qui sont suspectés d’hérésie sont condamnés à être brûlés sur le bûcher. C’est dans cette ambiance sinistre que nos trois héros, Yorel, Dungal et Sixéla vont s’illustrer.

Ces trois personnages sont très attachants. Yorel et Dungal ont tout du héros : ils sont téméraires, ils n’hésitent pas à enfreindre les règles qu’ils considèrent trop injustes et ce, au péril de leur vie. Néanmoins, Yorel est beaucoup plus réfléchi que Dungal. Sixéla quant à elle m’a beaucoup touchée. Dans le premier grand chapitre, on a une Sixéla anéantie, désemparée. Puis elle se plonge à corps perdu dans la lecture des mémoires d’Ambroise de Liemmos, un érudit, mais aussi un vieil ami disparu. Et ce sont ces écrits qui l’aideront progressivement à surmonter sa douleur. Elle se raccroche à ces mémoires comme à une bouée de sauvetage. D’ailleurs les mémoires d’Ambroise de Liemmos sont très intéressants : le lecteur est aussi captivé que Sixéla par ces mémoires qui à la fin délivrent un message qui pousse à la réflexion. Et c’est à partir de là que débute la véritable aventure de nos trois héros et qui se poursuivra dans les deuxième et troisième grands chapitres.

Côté personnages secondaires, on retrouve le père Belarius, Monseigneur Whitlock, Monseigneur Théophraste, et le frère Gorgance, entre autres. Le point commun entre tous ces hommes d’Eglise : leur irrépressible soif de pouvoir. Ce sont des personnages malfaisants, cruels et prêts à tout pour accéder aux plus hautes instances de l’Eglise. Tous ont perdu de vue la véritable mission de l’Eglise, à savoir, aider les fidèles, se soucier de leur sort. Au lieu de cela, ils ne pensent qu’à leurs ambitions personnelles. Vous l’aurez compris, les complots en tous genres ce n’est pas ce qui manque ici.

Finalement ce roman s’est révélé être pour moi une agréable surprise. Le style est fluide, les descriptions sont très précises, on alterne les points de vue des différents personnages. Les chapitres sont très courts, ce qui donne du rythme à l’histoire. Ainsi, j’ai été emportée par le récit, et j’en suis vite arrivée au bout sans m’en rendre compte. C’est un véritable roman d’aventures médiéval avec une touche de fantasy, j’ai adoré.

A noter que l’Héritière du Temps est en quelque sorte la suite du Tertre des âmes, le premier roman de Ludovic Rosmorduc (également paru chez Baam), dans le sens où l’on retrouve Yorel, Dungal et Sixéla. Mais chronologiquement, les évènements décrits ici ce sont déroulés bien après ceux du Tertre des âmes. Ce roman peut donc être lu indépendamment du premier.